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Paris, le 9 juillet 2025-Il y a un an, le 9 juillet 2024, deux figures emblématiques de la société civile guinéenne, Oumar Sylla, dit Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, respectivement coordinateurs du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) et du mouvement Tournons La Page (TLP-Guinée), ont été enlevés sans mandat, devant témoins, par des hommes armés et encagoulés, identifiés comme appartenant aux Forces spéciales et au Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), au domicile d’Oumar Sylla à Conakry. Le lendemain, seul Mohamed Cissé, un autre membre du FNDC, a été relâché. Il a ensuite témoigné publiquement des tortures subies et du transfert des deux militants vers l’île de Fotoba, un ancien bagne colonial utilisé comme centre de détention informel.
Depuis le 9 juillet 2024, Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah n’ont plus été revus. À ce jour, les autorités guinéennes n’ont fourni aucun élément tangible sur leur sort. L’enquête annoncée
par le procureur de la Cour d’appel de Conakry dès le 17 juillet 2024 n’a donné aucun résultat.
Il existe une réelle crainte que cette enquête n’ait en réalité jamais commencé. Le silence
persistant du gouvernement guinéen sur cette affaire alimente la suspicion d’une disparition
forcée orchestrée par l’État. Malgré les déclarations officielles sur l’ouverture d’une enquête, aucune action concrète n’a été entreprise. Les familles, les avocats, les témoins de l’enlèvement et les défenseurs des droits humains ayant enquêté sur le dossier n’ont jamais été auditionnés. Ni les témoignages de Mohamed Cissé, ni les révélations du journaliste d’investigation Thomas Dietrich – qui a identifié des membres des forces impliquées, certains formés par la France – n’ont été pris en compte par les autorités judiciaires guinéennes.
Le 28 novembre 2024, la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les défenseurs des
droits de l’homme, Mary Lawlor, a rendu publique une lettre adressée au gouvernement
guinéen, exigeant des réponses sur cette disparition forcée. À ce jour, aucune réponse
officielle n’a été donnée, comme pour les autres communications adressées par d’autres
mécanismes des Nations unies au gouvernement guinéen sur cette affaire.
Le contexte de cette disparition est marqué par une répression accrue en Guinée depuis le
coup d’État du 5 septembre 2021, qui a porté le colonel Mamadi Doumbouya au pouvoir. Ce
dernier, désormais général et président de la transition, a progressivement instauré un régime
autoritaire sous couvert d’une pseudo-transition, multipliant les disparitions forcées, les
arrestations arbitraires et les poursuites contre les voix critiques. Les deux militants étaient
ciblés de longue date pour leur engagement pacifique contre les dérives autoritaires des
pouvoirs établis.
La disparition d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah constitue une violation flagrante des
engagements internationaux de la Guinée, notamment du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (PIDCP) et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Elle s’inscrit dans un contexte de répression croissante de l’engagement citoyen, que la
communauté internationale ne peut continuer à ignorer.
Face à l’impunité persistante, nous, organisations de la société civile, appelons à la mise en
place d’une enquête indépendante et impartiale, incluant une composante internationale, sous
l’égide des Nations unies ou de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
(CADHP). Malgré les promesses d’une enquête, aucune avancée n’a été constatée. Les
familles et les défenseurs des droits humains n’ont pas été entendus, et les preuves ont été
ignorées.
Nous, signataires de cet appel, demandons avec insistance à la France, à l’Union européenne
et aux Nations unies de prendre des mesures concrètes et immédiates face à la situation
alarmante en Guinée.
À la France et à l’Union européenne :
Le gouvernement français a été interpellé à plusieurs reprises sur ses liens sécuritaires avec
la junte militaire au pouvoir en Guinée. Dans un contexte où plusieurs responsables guinéens,
formés par la France, sont accusés d’actes de torture et d’enlèvement, il est impératif d’agir.
Nous appelons donc :
· À soutenir l’ouverture d’une enquête internationale, notamment au sein des
instances des Nations unies (HCDH, Groupe de travail sur les disparitions forcées)
ou de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
· À suspendre toute coopération sécuritaire et militaire avec les forces de défense
et de sécurité guinéennes impliquées dans cette affaire, tant que les auteurs et
responsables de la disparition d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah ne sont pas
identifiés, poursuivis et sanctionnés.
· À conditionner toute aide budgétaire à la Guinée à des garanties claires sur le
respect des droits fondamentaux dans le pays.
Aux Nations unies :
Nous demandons également :
À mandater une mission internationale d’établissement des faits en Guinée
concernant les cas de disparitions forcées.
· À inscrire chaque année le cas d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah à l’agenda du
Conseil des droits de l’homme, afin qu’un débat public puisse être tenu avec les
autorités guinéennes.
Au gouvernement de Guinée :
Nous exigeons :
· De révéler immédiatement le sort d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, de libérer
ceux portés disparus qui sont encore détenus arbitrairement ou de les présenter
devant un juge indépendant.
· De garantir la protection des défenseurs des droits humains et de mettre fin à la
répression des mouvements citoyens.
Un an après l’enlèvement d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, le silence est devenu
insoutenable. La vérité doit éclater, la justice doit être rendue. Ensemble, faisons entendre
notre voix pour que ces demandes soient prises en compte et que les droits humains soient
respectés en Guinée.
Liste des organisations signataires :
ACAT-France (Action des Chrétiens pour l’abolition de la Torture)
TLP (Tournons La Page)
Human Rights Foundation
Contact presse :
Dimitri Partouche : Chargé de Communication – communication@acatfrance.fr –
Écrit par: Fatoumata Keita
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