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today6 avril 2024 147 6
Le président de la transition guinéenne, le Général de corps d’Armée Mamadi DOUMBOUYA a décidé de dissoudre les conseils communaux sur toute l’étendue du territoire national. Dans une interview accordée à Soleil FM, Amadou BAH, diplômé en Sciences politiques à l’IEP de Grenoble et titulaire d’une licence en Sociologie à l’Université Kofi Annan de Guinée s’exprime depuis la France sur cette question et sur une tribune intitulée : ‘‘Et si la gouvernance territoriale était une affaire de d’Etat’’ ?
Soleil FM : Bonsoir monsieur BAH !
Amadou BAH : Bonsoir !
Soleil FM : Vous avez rendu publique une tribune intitulée : ‘‘Et si la gouvernance territoriale était une affaire d’Etat’’. Pourquoi cet écrit ?
Amadou BAH : je salue le peuple de Guinée et l’ensemble des auditeurs de soleil.FM Pourquoi cet écrit ? Il faudrait savoir avant tout, qu’est-ce qu’une politique publique locale ? Est-ce une adaptation des politiques publiques de l’État sur des territoires à différentes échelles ? régionale, départementale ou communale ? Ou bien est-ce l’ensemble des politiques publiques produites par des autorités infra étatiques dans un cadre de compétences réparties entre les unes et les autres ? Quel bilan après 30 ans de politique locale en République de Guinée ?
En France, 75 % de l’investissement public est réalisé dans le cadre de politiques publiques locales. Celles-ci sont donc essentielles au développement des sociétés contemporaines. En Guinée, il n’existe pas encore de réelles capacités d’investissements, pourquoi ? On risque l’apparition de « coquilles vides ». C’est ce qui explique le titre de ma tribune. Aujourd’hui, il y a une défiance très importante chez la population. Mais la confiance ou la méfiance actuelle ne proviennent pas toujours d’une détérioration de l’image des institutions démocratiques. Elles peuvent être aussi un héritage du passé.
Faut-il faire confiance aux politiciens ? Aux gouvernements ? Ou au parlement ? Le jugement des Guinéens sur la transition est sévère. Je lance un appel à la jeunesse pour bâtir une Guinée sous l’acronyme ABC Agir pour le Bien Commun. Le PEUPLE, sa décision, la LOI, son respect.
Soleil FM : À l’entame de votre tribune, vous dites que ce n’est pas un paradoxe, qu’il faut penser globalement et agir localement, que voulez-vous dire ?
Amadou BAH : Penser global et agir local est un pari bien connu des communautés de développement rural en Europe, comme en Amérique latine de tradition hispanophone. L’idée est que l’action locale auprès des besoins des communautés est toujours plus appropriée qu’un développement pensé d’en haut, que cela soit au niveau du pays ou du continent… Mais, il n’y a pas de réussite de l’action locale si elle n’est pas confrontée à une pensée, une réflexion plus globale dans laquelle sa survie s’inscrit. ‘‘Penser global et agir local’’, c’est donc le devoir de dialogue entre les communautés locales enfin de doter de moyens, les plus aptes à répondre aux besoins et au gouvernement national, le plus en mesure de mobiliser plus de moyens et de négocier avec les autres pays. Par exemple, les pays d’Afrique de l’Ouest.
Soleil FM : Quelle est la crise de gouvernance actuelle des pays de l’Afrique de l’Ouest à laquelle vous faites allusion dans votre analyse ?
Amadou BAH : Les principaux concepts et modèles d’analyse de la science politique et de la sociologie de l’action publique, vise à interroger la dynamique des relations entre les citoyens, le droit et l’action publique. Il s’agit d’analyser ce que les règles font faire aux acteurs, et symétriquement ce que ces acteurs font avec le droit ou font faire au droit dans la conduite des affaires publiques dans nos pays du sahel. L’analyse des politiques publiques a développé depuis de nombreuses années des manières de faire et de voir qui nous permettent d’appréhender l’action publique avec un regard précis, et ainsi de mieux comprendre l’évolution des États, la place des groupes d’intérêt dans la décision, l’émergence de nouveaux problèmes ou l’apparition de nouveaux acteurs publics ou privés dans les prises de décision publique.
Soleil FM : Vous abordez aussi les priorités à la gouvernance locale
Amadou BAH: Qui gouverne localement pour décliner les priorités ? Ce sont les instances dotées d’une légitimité gouvernementales qui définissent des règles collectives applicables à une subdivision du territoire étatique. La confiance dans les élus locaux est fondamentale, sinon à quoi servent-ils ? Les maires doivent décider pour leurs administrés dans la ville ou le village. Quelle marge de manœuvre pour les élus locaux pour réfléchir sur les politiques publiques d’éducation, de sport, de politiques d’emploi, de politiques d’assurance-maladie, de politiques agricoles, de politiques environnementales, de politiques de transport ? Il faut alors définir des priorités dans cet ensemble de programme d’action présentant une certaine cohérence et qui s’inscrivent dans la durée. Mais c’est aussi un acte d’engagement par lequel une ou plusieurs collectivités territoriales avec le concours de l’Etat, décident de mettre en œuvre conjointement un programme pluriannuel relatif à leur territoire, c’est-à-dire gouverner par projet.
Soleil FM : Vous faites cette tribune après la dissolution des conseils communaux en République de Guinée, votre avis sur la question
Amadou BAH : La dissolution des conseils communaux ne respecte pas le code des collectivités locales. Remplacer les maires par des délégations spéciales est arrivé parce qu’on ne respecte pas le calendrier fixé par la loi pour l’organisation des élections. Les conseils communaux ont le mérite de débattre des objectifs locaux, de réguler les problèmes des communautés locales, avant qu’ils ne deviennent trop difficiles. Il est important de laisser vivre cette libre administration locale aux côtés des instruments nationaux de gouvernances, relatifs entre autres à la protection environnementale, la politique migratoire, à la protection des consommateurs. L’objectif des politiques publiques est principalement de redistribuer des ressources financières de l’État, de bâtir les infrastructures (autoroutes, écoles, etc.). La construction de la décision est importante : les élus locaux peuvent prendre des décisions, mais les délégations spéciales non. Les maires peuvent réfléchir aux conséquences de leur action et vont tâcher de mesurer l’efficacité des mesures prises, mais les délégations spéciales ne peuvent pas élaborer un budget, car le budget est fait annuellement. Bien sûr, pour des projets importants, c’est l’État qui au final décidera. Les maires peuvent aussi effectuer des évaluations contrairement aux délégations spéciales. La gouvernance ce n’est pas seulement l’action du pouvoir, mais la façon de réfléchir de penser le pouvoir dans le respect du rôle de chacun et dans le cadre défini par l’État. Je ne le conteste pas. Mais c’est un cadre et le tableau qui est dedans, chacun à son niveau contribue à le peindre !
Soleil FM : Nous arrivons au terme de cet entretien. Quel est votre conclusion ?
Amadou BAH : Je vous adresse mes remerciements profonds et sincères pour la qualité de vos programmes, pour le rôle que vous jouez dans l’information de la population. Après le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif, vous êtes le quatrième pouvoir, vous les médias, vous êtes pour la démocratie ce que l’oxygène représente pour le corps humain. Vous avez mon soutien indéfectible suite aux brouillages d’ondes que vous subissez de la part de l’Etat censé être garant des libertés. Dans une République, tous les citoyens ont le droit de dire ce qu’ils pensent et à rejeter ce qui est inacceptable sans être inquiétés. Le droit et la force sont deux choses radicalement différentes. Le chemin de la démocratie est parcouru par des étapes progressives guidées par des objectifs fixes, par des lois, des repères dont la mise en application exige des évaluations constantes des systèmes de garantie et de contrôle crédible et efficient. Il faut que les gouvernants inculquent la culture démocratique aux citoyens pour éviter toutes les confusions sociales surtout dans notre pays la Guinée ou l’ethnocentrisme battent les pleins. Alors face à cette crise actuelle illustrée par des errements d’un processus de dialogue dont l’issue est hypothéquée par le manque de volonté sincère de se remettre en question et affronter avec courage nos erreurs pour revenir à un véritable dialogue inclusif, pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal, on doit lutter pour des idées et non pour des personnes et il n’y a pas de croissance économique sans bonne gouvernance. Toute gouvernance doit être fondée sur la modification de l’action publique d’abord, la gouvernance n’est pas seulement l’action du pouvoir, mais la façon de réfléchir de penser du pouvoir ;
La préservation de la paix doit être le souci constant et premier des leaders politiques et des gouvernants.
Soleil FM : Merci à vous monsieur BAH d’avoir répondu à nos questions !
Amadou BAH : Je vous remercie.
Interview réalisée par Babanou Timbo CAMARA pour soleilfmguinee.net
Écrit par: Soleil
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